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Première journée post acceptation du défi

Aujourd’hui, tout s’est relativement bien passé.
Tôt ce matin, les amis de mon frère se sont fait réveiller en sursaut par le tuyau d’arrosage, et mon père.
Les deux en même temps.
Quelle idée de squatter le trampoline...
Après quatre mois d’absence, j’ai pu revoir mes grands-parents. Ils m’avaient manqué. Le confinement les a obligé à rester enfermés chez eux, eux qui détestent rester sur place et ne pas savoir comment s’occuper. Il faut croire que le sang amérindien qui coule dans leurs veines, le souvenir du vent d’Amérique du Nord soufflant sur la lande, le territoire de leurs ancêtres, leur manquent toujours un peu. Comme une saveur d’enfance qu’on oublie pas. Il faudrait que je leur demande la manière dont ils se sont rencontrés. Je sais qu’ils vivaient dans deux réserves différentes et qu’ils se sont mis à dos leurs familles respectives pour avoir fui en France, mais ma mémoire a occulté certains souvenirs des récits de mon grand-père. A moins qu’ils ne me l’aient jamais vraiment expliqué en détails, mais j’en doute.

C’est mon grand-père qui a fait naître en moi mon goût pour la lecture. Bien évidemment, je préfère tout de même le cinéma, à n’en point douter. Pas besoin de vraiment se concentrer pour comprendre le gros de l’histoire, tandis que déchiffrer la quatrième de couverture d’un roman ne sert absolument pas à déterminer les enjeux d’une œuvre. Mais à choisir, je crois que je préfèrerais écrire un livre plutôt que de devoir me coltiner toute une équipe pour tourner l’un de mes films. Je déteste le travail d’équipe, bien que je considère qu’il est parfois nécessaire d’aller au-delà de ses principes quand il s’agit de gratter une bonne note. Encore un sujet de débat avec C. Cette dernière passe son temps à réviser mais considère que mon esprit de compétition à ce niveau-là n’est pas sain et n’a aucun sens. Elle ajoute souvent que nos notes actuelles ne valent plus grand chose. "C’était mieux avant".

Faudrait que je vous parle de C. un jour, mais comme elle a insisté pour que je lui envoie le lien de mon site par mail quand j’aurais le temps, je ne suis plus trop sûr.
Je n’ai pas forcément envie qu’elle connaisse l’effet de ses remarques sur moi, ce que je pense d’elle de manière générale. Et puis, ce journal est censé être anonyme, non ?
Bon, mise à part que vous vous doutez probablement de mon prénom. Alors voilà, ici, je serai Isaac. Ce n’est pas mon véritable patronyme, même s’il lui ressemble.
Mais comment s’appeler autrement quand toutes votre enfance est rythmée sur le bruit de doigts grinçant sur des pages, une collection science-fiction qui s’étoffe au fur et à mesure des années dans votre bibliothèque, les récits d’un homme, la voix de mon grand-père ?

J’ai plusieurs points communs avec Isaac Asimov.
Tout d’abord, nous sommes tous les deux passionnés par différents domaines scientifiques, nous sommes nés le même jour (le 2 janvier !) et nous avons tous les deux des origines russes. Evidement, j’imagine que de son côté ce sang russe ne s’est pas mélangé à du sang amérindien et japonais mais j’admet que je ne suis que plus réjoui d’hériter de ces cultures en plus.

De quoi est-on censé traiter dans un journal intime déjà ? Il faudrait peut-être que j’en touche un mot à C., pour obtenir un peu d’aide, au moins une direction à prendre pour réussir mon défi. Je n’ai jamais écrit de journaux intimes, je n’aime pas m’épancher sur un sujet émotionnellement fort sans pouvoir être certain de la fiabilité des personnes à qui je m’adresse. Autour de moi, tous n’étaient que troubles. Formes beiges ou plus foncées parfois, souvent menaçantes. C. m’éclairait le chemin parmi cette grotte de décérébré.
Le seul problème à l’horizon, ç’aurait été qu’elle m’abandonne dans cet endroit où je ne misais pas sur mes chances de revenir dignement.
Mais je ne m’inquiète pas tant que ça.